L’équipe de terre à terre Bénin s’est rendue aujourd’hui à la rencontre d’une brave femme, celle qui a su faire le bon choix entre les opportunités qu’offre sa formation professionnelle et sa passion. Nous sommes dans la rue du marché Wologuèdè de Cotonou où est située la galerie Bol@t de l’artiste plasticienne Bol@. Après avoir abandonné les emplois issus de sa formation professionnelle, elle s’est consacrée depuis plusieurs années à ce qu’elle aime et a toujours fait depuis son enfance même en étant sur les bancs. Sensibiliser les communautés sur l’importance de protéger la planète et traduire certaines discriminations dans la société à travers ses œuvres sont entre autres les messages que portent les tableaux de Bol@. Madame Aurore ABOGOURIN alias Bol@, nous plonge dans sa vie, son combat et sa passion au cours de cet entretien.
Bol@, nous aimerions vous connaître, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs s’il vous plaît?
Aurore ABOGOURIN, je suis Béninoise, mon nom d’artiste est Bol@ puis que je suis plasticienne aujourd’hui. Je suis issue d’une famille de trois filles dont je suis la cadette. J’ai fait des études, j’ai un master en communication marketing, j’ai travaillé dans plusieurs structures de la place. La plupart des fonctions que j’ai occupée étaient relatives aux fonctions de marketing.
Vous avez abandonné toutes les activités liées à votre formation professionnelle pour vous consacrer à l’art, Pourquoi avez-vous choisi d’être artiste plasticienne ?
Je pense plus par passion que par vocation. Parce que ça me plait et je pense qu’on a une seule vie et que à un moment donné il faut savoir s’arrêter et se demander, est-ce que j’aime ce que je fais.
Avez-vous reçu une formation spéciale dans le domaine de l’art plastique ?
Moi, je n’ai pas appris à faire de la peinture, je suis autodidacte, c’est venu tout seul, j’ai toujours fait ça. Comme je l’ai dit tantôt je suis passionnée, et à mes heures perdues je dessine, quand je n’ai rien à faire, je peins et parfois on ne se rend pas compte, c’est avec le temps qu’on réalise que ça, c’est un don qu’on a. C’est comme quelqu’un qui est souvent-là qui fredonne, qui chante et ce sont les autres qui entendent et se rendent compte que cette personne a une belle voix et c’est comme cela, ça m’est arrivé. La plupart des personnes qui venaient à la maison demandaient, qui a fait ça ? Parce que je faisais des peintures qui restaient là et je pouvais les laisser dans ma chambre à coucher, au salon et comme ça on disait waouh, c’est beau! Qui a fait ça ? Quand je me suis rendue compte que les gens s’émerveillaient de moi à travers ce que je faisais et moi aussi quand je le faisais je ne voyais pas le temps passé, ce n’était pas comme une contrainte, je ne le faisais pas pour l’argent mais, c’était comme une thérapie pour moi, j’aime souvent dire ça, parce que quand je fais ça, je me sens bien et là je me suis dit, bien tu lâches tout et tu te consacres à ce que tu aimes. Pourquoi être employé pour quelqu’un si tu peux être ton propre chef tout le temps et faire ce qui te plait sans avoir le sentiment que, bon je vais encore me lever ce matin et aller au boulot. Depuis que je fais la peinture, je n’ai jamais eu ce sentiment au contraire le temps ne me suffit pas. Je peux rester au travail jusqu’à 23 heures ou minuit.
Vous n’avez reçu la formation dans aucun centre pour l’exercice de cette activité, quelle est alors votre muse ?
Je ne dirai pas que j’ai une muse particulière, j’ai des sources d’inspiration infinies et qui sont très variées. J’ai une palette très variée, ça dépend de mon état d’âme et de mon état d’esprit. Je peux vous voir là, peut-être vous m’avez fait un truc qui m’a marquée, je prends ça et je peux traduire sur un tableau. De la même manière je peux trouver que vous avez une malformation et je me dis quand même vous faites partie de la société C’est les trucs du genre qui me marquent et je me dis on peut schématiser quelqu’un qui est mal formé et c’est ça, sa particularité, c’est ça qui l’identifie et faire de lui l’être unique sur la terre. Je peins beaucoup sur les réchauffements climatiques ou dérèglements climatiques, tout ce qui ce passe dans l’environnement, on a besoin d’avoir un pays vert, plus écologique, un environnement plus sain. On se nourrit mal, c’est pourquoi on tombe malade parce que l’environnement est pollué. On a besoin de manger plus sain et tout ce qui va à l’encontre de l’écosystème, de la diversité, j’essaie de traduire tout ça sur un tableau selon mon inspiration, ça peut-être une musique, quand j’écoute de la musique par exemple, je suis heureuse donc je vais peindre un tableau qui va transpirer les émotions qui sont agréables, ça peut-être dans mes moments de tristesse je vais peindre un tableau qui va refléter peut-être de la maladie, la souffrance, je vais parler des foyers, des tensions de la discrimination dans la société. Je peins également les faits divers, les contradictions dans la société autrement dit j’évolue beaucoup dans le style abstrait.
La plupart de vos peintures traduisent des faits réels dans la société, le prix de vos objets d’arts tient-il compte des réalités économiques de notre pays ?
Je vais dire que mes tableaux sont accessibles. Le tableau le moins cher que vous avez ici, c’est à partir de 50.000F CFA, le plus cher vous rentrez déjà dans le million. On fait des tableaux à huit millions, l’art n’a pas de prix, c’est l’inspiration, c’est ce que vous transcrivez. On peut passer six mois ou une année pour réaliser un tableau comme on peut passer 24 heures pour faire un tableau et on peut encore prendre 45 minutes pour le faire, tout dépend de l’inspiration que vous avez. C’est pourquoi je dis que ça n’a pas de prix et là ce n’est pas une histoire de la taille du tableau qui compte. Vous pouvez avoir une toile petite et la vendre à des millions, vous pouvez avoir une toile immense et ne pas forcement la vendre à des millions, c’est en fonction de ce que vous avez donné pour faire ce tableau, la valeur que le tableau a pour vous, je dirai même que ça a une valeur spirituelle et parfois émotionnelle. Vous savez on finit parfois un tableau et on n’a pas envie de le laisser partir, on n’a pas envie de le vendre parce qu’on a créé un lien, une affection particulière avec cette toile, ça m’est arrivé plusieurs fois.
Avez-vous de la clientèle ?
Oui Si je dis que je n’ai pas de la clientèle, je mentirais, j’aurai fermé ma boutique il y a longtemps. J’ai ma petite clientèle, il y en a qui sont fidèles parce que au-delàs des tableaux, je fais aussi des vêtements et je les appelle des toiles mobiles. Ma clientèle, elle est variée, les clients de la diaspora, je participe aussi à des foires dans plusieurs pays ainsi que des ventes privées. Les gens, ils achètent les tableaux, ici comme ailleurs. Pour les tableaux parfois ça part, même ici au Bénin, on est parfois étonné, les Béninois ont compris aujourd’hui l’importance des tableaux dans une maison. Une maison sans tableau, c’est comme si vous avez dressé une table à manger sans couvert, est-ce que c’est possible ? Ce n’est pas possible, donc les tableaux viennent apporter une vie. Concernant les toiles mobiles, parfois j’ai des représentants qui en prennent en quantité.
Parlez-nous de votre concept de toiles mobiles, ce sont aussi des tableaux d’art ?
Les toiles mobiles ce sont des vêtements sur lesquels je fais de la peinture, donc c’est comme si c’était des tableaux, mais je dis mobile parce que ça se porte. Vous faites passer un message à travers la tenue parce que c’est de la peinture, ça a la même valeur que les tableaux sauf que c’est sur un tee-shirt ou sur un polo, c’est sur un vêtement, donc il y a des messages qui passent en tout lieu et là où le tableau ne peut pas être vous vous êtes là et vous passer des messages partout dans le monde.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce domaine ?
Les difficultés, elles existent dans tous les domaines d’activité. Chez nous artistes peintre, je dirai qu’on a plus de problème d’accompagnement, qui existe déjà mais parfois c’est une histoire de réseaux et de contacts, parfois c’est aussi une histoire d’information. On dit souvent celui qui a l’information a le pouvoir, parfois vous n’avez pas l’information, c’est-à-dire l’information n’est pas accessible à tout le monde. Le gouvernement fait des choses déjà mais, on veut plus d’accompagnement. La disponibilité des matériels n’est pas toujours aisée, quand vous voulez des matériels de bonne qualité c’est un cauchemar, je vais m’approvisionner dans certains supermarchés de la place, mais ils n’ont pas tout donc on est tenu de voyager ou de passer des commandes à l’extérieur. Les circuits d’écoulement constituent une grande problématique, il n’y a pas suffisamment de foires qui soient organisées pour accompagner les artistes pour les valoriser au plan national comme au plan international, parce que un artiste c’est aussi la renommée. A un certain moment quand vous avez la renommée vos œuvres se vendent tous seuls. L’autre problème que rencontrent les artistes peintres est le travail d’interprétariat, vous faites un tableau c’est un don, pouvoir le vendre en est une autre chose, vous allez voir des gens qui sont très doués, moi je n’ose pas me qualifier mais j’ai vu des gens, quand ils prennent leurs pinceaux ils vous font des tableaux magnifiques mais ils ne savent pas expliquer et ça c’est un autre métier à part.
Votre mot de la fin
J’invite les médias à accompagner les artistes peintres en faisant de la lumière sur les œuvres des artistes plasticiens. J’invite également les Africains surtout la population Béninoise à consommer les produits des artistes peintres. Un tableau dans une maison est capital pour faire véhiculer un message. Au lieu d’importer les friperies qui sont à l’origine de plusieurs maladies corporelles, on peut encourager les artistes peintres à la consommation des vêtements made in Bénin qui sont de meilleures qualités et à des prix très abordables.